L’ANTENNE COSMIQUE HASTA BANKAIRASAN
Comment rester 17 mn (minimum) avec un bras tendu vers le ciel en Hasta Bankairasan? Plus précisément avec d’abord un bras en l’air, puis l’autre, et pour finir les deux? Et pour quelle raison? Bêtise? Folie? Masochisme? On pourrait se le demander!
Voici le compte-rendu de mon apprentissage. Expérience inoubliable, en deux temps. Ou comment je suis passée de l’ignorance à davantage de lumière.
Avidyā, l’ignorance
Dans « Sadhana », Tagore écrit « « Dans la pensée typique de l’Inde, on considère que pour l’homme, la vraie délivrance est celle qui le fait sortir d’avidyā, l’ignorance… »
Il est bon de se souvenir de cette lumineuse parole. Hasta Bankairasan est une posture ardue. On reste immobile, le bras tendu, pendant un temps que la souffrance distend. Nombreux sont ceux qui seront tentés, comme moi autrefois, de mettre de telles pratiques sur le compte de l’aberration. Douloureuses, inutiles, voire inacceptables…
Walter Thirak Ruta, Zinal 2011
Je m’étais inscrite aux cours de Walter Thirak Ruta, disciple de Sri Sri Sri Satchidananda (pour son site: cliquez ici!). Un jour, sans prévenir, il adopta la posture de Hasta Bankairasan. Toute la salle l’imita, levant le bras, adoptant gyan mudra et la fixité du regard. Au bout de quelques minutes, je trouvai déjà le temps long! Quelques secondes plus tard, ma tête résonnait d’objections. Premièrement, ça ne rimait à rien! Deuxièmement, cela faisait atrocement mal! Troisièmement, c’était ridicule et absurde!!! Bref, mon mental galopait dans tous les sens et je baissai le bras. J’abandonnai! Pourtant, nombreux étaient ceux qui maintenaient la posture. Certains, le bras penché ou plié. D’autres, tassés sur eux-mêmes par la douleur. Seul Walter, imperturbable, dominait la scène, parfaitement droit, les yeux écarquillés, sans battre d’un cil. Au fur et à mesure que les minutes passaient, j’éprouvais une sorte de honte doublée de colère. L’ignorance distillait son poison en moi. Finalement, Walter baissa le bras et sans rien dire tendit le bras gauche. Je faillis quitter la salle!
Amar Bharti
Malgré cela, je suivis de nombreux stages et ateliers auprès de Walter Thirak Ruta. Son authenticité m’impressionnait. Il m’arrivait aussi de raconter l’anecdote pour vanter la vaillance de mon enseignant. Puis, je poursuivais avec l’histoire du tapas d’Amar Bharti, ce sadhou qui tient son bras levé depuis 42 ans. Jean-Marc Quéré l’a filmé à Haridwar en 2010. Il ne s’allonge jamais. Il pratique le yoga Nidra quelques heures par nuit et cela suffit. Les gens se pressent pour se faire bénir ou prendre conseil. Impressionnant! En résumé : quand on lui demande ce que lui a apporté ce tapas, Amar Bharti répond : la désidentification d’avec le corps. C’est-à-dire, la compréhension profonde d’être autre chose que ce « je » (qui souffre, qui se plaint etc…) En d’autres termes : l’union avec le Soi. Cette fameuse union au coeur du yoga. La libération, rien que ça! Amar Bharti nous a quitté cet hiver 2020.
Boucler la boucle…
Il y a un mois se tenait le Congrès de la Fidhy. Je décidais de suivre un cours avec Walter. Comme toujours, ce fut très intéressant et nouveau. Cette inspiration toujours renouvelée et pourtant fidèle aux enseignements de son guru, me fascinera toujours! Après une demie heure, Walter annonça : « Suffit les échauffements, passons aux choses sérieuses! Hasta Bankairasan, 17 minutes bras droit, 17 minutes bras gauche, 17 minutes les deux! ». Instantanément, je souris. Comme si j’attendais ce moment depuis 8 ans. Mon bras fila vers le plafond tel une flèche. Je ressentis une joie profonde. Je me mis dans ma respiration et m’appliquai à vider mon esprit. Quelques pensées surnageaient quand même… Les cours de Kundalini, bras tendus en Sat kriya mudra… L’énergie Reiki sortant de la paume de mes mains… Des séances de méditation… Les sadhous aux bras levés… 17 minutes dans une vie, ce n’est rien! Sur mes lèvres, l’ébauche d’un sourire. Ma détermination était totale. Ma confiance aussi. Tout s’arrêta. Un grand calme m’envahit.
Epilogue
Je suis tellement heureuse d’avoir pu vivre cette expérience. D’autant plus, qu’elle eu lieu en deux temps. Il a fallu ce jugement aveugle de ma part, ce rejet, cette ignorance, pour mesurer le chemin parcouru en seulement 8 années. Toute la soirée qui suivit le cours, je n’avais qu’une envie. Déplier le bras et marcher avec cette antenne. Aujourd’hui encore, je ressens le jaillissement de l’énergie dès que je lève le bras. Pas la peine de tenir 17 minutes! L’énergie, inépuisable, est toujours là. Oui, la main est une prise cosmique. Comme les cheveux, les yeux, les doigts, l’ensemble du corps. L’homme tout entier peut se brancher au ciel. Et cette expérience-là, une fois vécue, ne s’efface jamais.
OM
Delia